Lire et penser ? en voilà une idée...
Il serait aisé de penser qu'en tant que libraire je défende sans sourciller le monde du livre et la lecture. Comme le ferait une "érudite" ;-) (cf "Divergente").
Tel n'est pas mon objectif, car ce qui m'importe n'est pas l'objet-livre mais le sujet-livre : cet artefact magique pour le lecteur et sa pensée.
Une bibliothèque est un trésor. Cependant, aussi riche soit-elle, sans un lecteur curieux, les livres sommeillent sur les plus belles étagères. Ils espèrent, en secret, qu'un explorateur intrépide vienne les déchiffrer pour en libérer
les idées derrière les mots.
Victor Hugo a écrit : "la Lumière est dans le livre, laissez-le rayonner, laissez-le faire !".
Il me semble qu'il formule ainsi, avec une remarquable simplicité, ce grand mystère : pour qui le prend en main et le parcours, le livre s'anime, il vit ! Chaque page est une ressource, qui peut étancher les plus vives soifs, à la
condition essentielle que l'auteur ait eu la bonté, ou la sagesse, d'y
tracer des lignes vivantes.
Et s'il n'est pas suffisant de lire pour connaitre les univers et les hommes ("connaitre" - nous dit l'étymologie - c'est "faire naître en soi" ce qui implique d'expérimenter), il est indéniable que la porte de la lecture s'ouvre sur de multiples et enrichissantes rencontres et de passionnantes aventures qui forgent l'Esprit - au delà de l'espace et du temps.
Mais voilà, Lire demande un effort - librement consenti - de la concentration et de la patience. Des conditions impérieuses qui n'ont pas bonne presse de nos jours ! Dans
notre civilisation ultra rapide formatée par les prêt-à-penser, les influenceurs et les
doctrines en tous genres (scientifiques ou religieuses), lire est assimilé au mieux à un loisir d'intello au pire à une perte de temps. Et pour une majeure partie de la Jeunesse, Lire et aujourd'hui synonyme de calvaire. Pourquoi ?
Je tiens la lecture pour un outil d'exploration, d'apprentis-sage, de vérification, de libération. Par la lecture, l'esprit entre en quête - quel que soit le domaine choisi. Il s'ouvre aux avis "divergents" de divers gens. Il me semble que c'est ainsi que le raisonnement s'affute et que le libre arbitre se développe. Notre société, le système éducatif, les médias ou autres réseaux dits sociaux et même l'I.A, ne soutiennent pas cette démarche (c'est peu dire !), ils s'en méfient jusqu'à la trouver dangereusement complotiste et la sabordent autant qu'il est possible.
Mais sommes-nous encore en droit de chercher les réponses par nous-mêmes et de désirer ardemment se révéler, s'entraider, créer ? Et sommes-nous prêt à nous y efforcer ?
S'il est de sinistre mémoire que l'on brûla les livres, c'est surtout les idées que l'on voulait réduire en cendres. Car savoir lire, c'est un super pouvoir qui peut changer les hommes, les femmes et participer à transformer le monde !
Souvenez-vous, dans le roman dystopique "Fahrenheit 451", les livres sont devenus des objets subversifs brûlés par les pompiers. Et pour que les écrits demeurent, chaque résistant connait un livre par coeur, pour être capable de le partager, de lui redonner vie. C'est ainsi que sont sauvegardés les œuvres et leurs précieux sujets.
Si cette question brûlante se pose aujourd'hui, lequel seriez-vous prêt à apprendre ?
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Nicolas Boileau